(1) Mercredi dernier, Calice Becker a dévoilé sa dernière trouvaille au sein de l'école de parfumerie de Givaudan d'Argenteuil (Val d'Oise). Celle qui a créé J'adore de Dior, l'un des par- fums les plus vendus au monde, n'a pas conçu une fragrance, mais a eu l'idée de mettre au point une machine au service des nez de la firme suisse, numéro un mondial des fabricants d'arômes.
(2) Le Carto, tel est son nom, est un ordinateur couplé à un robot qui per- met de créer, en quelques minutes, les parfums imaginés sur écran par les créateurs. « L'idée m'est venue en 2008 », explique Calice Becker. Celle qui préside l'école de parfumerie du groupe Givaudan se tourne alors vers deux spécialistes de la robotique pour développer cette sorte de robot ménager adapté à la conception et à la fabrication de par- fums. Son ordinateur fait tourner un algorithme en puisant dans une banque de données de 288 ingré- dients les plus utilisés en parfumerie. Chacun est classé par familles olfac- tives (fruités, floraux, etc.) et par accords. En fonction des analyses établies, l'ordinateur peut suggérer différentes harmonisations pour obte- nir la meilleure combinaison et calcu- ler la formule olfactive optimale.
(3) << Il s'agit de maximiser l'utilisa- tion de la matière première », décode Xavier Renard, directeur de la divi- sion parfumerie fine du groupe suisse, en rappelant que « c'est la première fois que Givaudan utilise l'intelligence artificielle au profit de la créativité de ses parfumeurs ». En passant, le Carto peut s'appuyer sur les données issues de tests de fra- grances auprès de consommateurs et ainsi estimer le succès potentiel d'un parfum dans telle ou telle région du monde. Il peut aussi évaluer le prix de revient d'une formule en fonction du prix des ingrédients utilisés.
(4) Le groupe Givaudan, qui se vante de la création d'environ un tiers des parfums vendus dans le monde, se dote ainsi d'un redoutable outil pour répondre au cahier des charges de ses clients, c'est-à-dire les L'Oréal, Unilever et autres marques de produits de beauté ou de lessives, et, espère-t-il, leur assurer de bonnes ventes. <<< Le parfumeur n'est pas obligé, cependant, d'écouter la machine >>, souligne Xavier Renard.
(5) Grâce au Carto, tout va plus vite que lors de la fabrication d'échantillons confiée par un nez à ses laborantins et à leur balance de pesées. Sans dévoiler le coût de cette machine, Givaudan souligne combien << les méthodes d'échantillonnage traditionnelles ne peuvent égaler >> la vitesse de ce nouveau processus de fabrication. À en croire ses premiers utilisateurs, la magie de la création d'un parfum demeurerait intacte.
d'après Le Monde, du 16 juin 2019