AISHA Examentrainer

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(1) 1908, c'était l'époque des clous sur la route et de la foule qui s'en prenait physiquement aux coureurs qu'elle n'aimait pas. Au milieu de ces tourments et malgré l'interdiction, une femme a couru le Tour de France cette année-là. Des 114 aventureux qui s'élancent de Paris pour le Tour de France ce 13 juillet 1908, seuls 36 termineront la course. Mais ce nombre de 'finishers' ne tient pas compte d'un participant un peu particulier, puisqu'il s'agit d'une femme, et quelle femme: Marie Marvingt ! À la fois alpiniste de renommée internationale, pionnière de l'aviation, skieuse et nageuse, la <<< fiancée du danger >> ajoute à sa liste, déjà longue, un énième exploit.

(2) Quand elle naît en 1875, à Aurillac, difficile d'imaginer un tel avenir. De santé fragile, ses trois frères meurent avant de devenir adultes. En grand amateur de sport, le père Marvingt n'a alors d'autre choix que d'initier sa fille à ses propres passions. Dès qu'elle est capable de marcher, elle accompagne son père dans de grandes randonnées, souvent doublées de rudes séances d'escalade dans le Massif Central. Marie est élevée à la dure, dans la passion pour le sport, pour l'effort et pour l'exploit.

(3) Pour Marie, tout devient prétexte à se dépasser. En 1899, elle devient l'une des premières femmes titulaires du certificat de capacité, qui lui permet de conduire une automobile. Elle participera plus tard à plusieurs courses dans le Sahara. Cette passion pour le sport ne se fait pas sans protestations de l'opinion publique encore conservatrice. Le magazine L'Auto l'évoque dans un portrait de 1922: << Mlle Marvingt a débuté dans le sport à une époque où, s'il était convenu de trouver ridicule la part que certains hommes accordent aux exercices physiques, il était profondément scandaleux de voir une jeune femme s'y livrer avec tant d'ardeur. >>>

(4) Elle doit ses premiers exploits nationaux à la bicyclette, un art qu'elle pratique depuis l'âge de onze ans. Sa renommée grandit avec la participation en quelques années à des courses relativement inhumaines Nancy-Bordeaux en 1904, Nancy- Milan, puis Nancy-Toulouse en 1906. On lui attribuera même la création de la jupe-culotte pour faciliter le pédalage sur les longues distances.

(5) Elle se lance un nouveau défi en 1908: participer au Tour de France. Le directeur du Tour, Henri Desgrange, interdit à Marie Marvingt de participer à l'épreuve en compagnie des hommes. Qu'importe, si elle ne peut les accompagner, elle les suivra en partant chaque jour légèrement derrière le peloton. Cet effort n'est pas vain puisqu'elle parvient à rallier Paris le 9 août 1908 sans bénéficier toutefois des honneurs qui lui sont dus. L'Auto ne retransmettra pas l'exploit de cette concurrente un peu particulière, car non seulement c'est une femme, mais, de plus, elle habite en territoire allemand.

(6) Si la natation est une autre de ses passions- elle participe en 1906 à La Traversée de Paris à la nage - c'est surtout par la voie des airs qu'elle gagnera définitivement sa célébrité. Elle apprend à piloter un ballon et découvre l'aviation proprement dite en 1909. Elle abandonne alors la plupart des autres sports qu'elle pratique pour se consacrer aux machines volantes. En 1910, elle devient la troisième femme au monde à être titulaire d'un brevet de pilotage.

(7) Cette passion ne l'abandonnera jamais, et surtout pas pendant la première Guerre Mondiale, lors de laquelle elle participe à quelques missions de bombardement et de reconnaissance. Elle réussit à rejoindre la première ligne de front quelques semaines, se faisant passer pour un homme, avant d'être démasquée. Revenue du front avec la Croix de Guerre¹) elle parcourt le monde en tant que journaliste et conférencière, répandant ses vues sur l'importance de <<< l'aviation sanitaire », c'est-à-dire les ambulances aériennes.

(8) Progressivement, la sportswoman disparaît du paysage médiatique, même si quelques-uns n'oublient pas les exploits de la << fiancée du danger >>. En 1955, pour son 80ème anniversaire, le gouvernement américain lui offre un vol au-dessus de la ville de Nancy dans un chasseur supersonique. Quelques années plus tard, son âge avancé la fait revenir à ses premières amours. En 1961, en partant de Nancy, elle rejoint Paris à vélo, pour un ultime défi (385 km). Elle finit sa vie dans la misère et meurt à l'hospice en 1963 dans un anonymat quasi total.